À 65 ans, Thierry trace la route, libre comme jamais.
De l’Amérique latine à l’Asie du Sud-Est, il enchaîne les kilomètres, guidé par l’instinct et le goût du risque.
➔ Dans cette seconde partie, il nous parle de ses plus grandes galères, de ses rencontres inoubliables… et de ce que ça change, de tout plaquer après 60 ans.
🎤 Interview – Partie 2 : Thierry, Tour du Monde pour se Réinventer
➔ Si tu veux commencer depuis le début de l’interview : consulte la Partie 1 de Thierry Autour du Monde
🌍 Suite du Cheminement en Asie – De la Thaïlande à Cuba
Dans la prochaine partie, Thierry raconte comment, après cette tentative douloureuse de renouer avec ses enfants, il a enfourché une moto et traversé tout le Vietnam.
Un voyage à la fois physique et intérieur, fait de rencontres inattendues, de solitude apaisante et de liberté retrouvée...
Inès :
Oui, donc on a vu que tu es parti en Asie, et après l’Asie, où es-tu allé par la suite ?
Après tes 10 mois en Asie ?
Thierry : Alors, après l’Asie, j’ai fait Singapour, Malaisie, Indonésie, Thaïlande, Laos…
Je suis revenu en Thaïlande parce que j’avais croisé quelqu’un, et je suis retourné la voir.
Après, je suis allé à Koh Chang, une petite île dans le sud de la Thaïlande, puis au Cambodge.
Ensuite, direction le Vietnam.
J’ai fait un mois en Thaïlande, puis j’ai passé un mois au Sri Lanka.
Inès : Tu es retourné pas mal de fois en Thaïlande, tu deviens un expert de la Thaïlande après tous ces séjours !
Thierry : Ouais ! Et après, je suis rentré en France pendant 7 semaines.
Là, j’ai loué une voiture et j’ai fait presque un tour de France.
Je suis allé voir des gens que j’avais croisés sur la route, mais aussi des familles et des amis.
Inès : Et alors, comment c’était ton tour de France ? Où es-tu allé, et quelle a été ton impression de la France ?
Thierry : Pas top. C’est joli, mais je déprimais.
Les scooters me manquaient.
La vie dans les rues me manquait.
J’ai trouvé la France un peu triste.
Je suis allé à Paris voir ma sœur, puis voir ma mère et mon fils. Je lui ai refait sa salle de bain.
Ensuite, j’ai vu des amis en Bretagne que j’avais croisés au Cambodge, puis à Nantes, pour voir mes deux enfants. Mais ça a été un fiasco.

Inès : Tu as fait un tour de France des gens, en fait !
Thierry : Oui, c’est ça. Puis j’ai descendu vers la Charente-Maritime, vu des amis, et même mon ex-femme.
Ensuite, direction Bordeaux, et j’ai fini dans le sud de la France.
Là, c’était surtout pour revoir des gens que j’avais croisés en voyage, à Aix-en-Provence, Grasse, la Drôme…
Puis je suis remonté par Limoges, pour voir des gens que j’avais rencontrés à Tioman, en Malaisie.
Ça faisait plus d’un an qu’on se connaissait.
Inès : Et là, tu as décidé de repartir ?
Thierry : Oui, j’ai remonté en Bretagne chez mon fils, en Normandie chez mon autre fils, puis j’ai passé une semaine à m’occuper de mon petit-fils.
Et enfin, retour à Paris.
Mais le truc drôle, c’est que quand j’ai pris mon billet d’avion pour venir en France, j’avais aussi un billet pour Cuba dans ma poche !
Inès : Ah oui, tu l’avais pris avant de venir en France ?
Thierry : Oui, j’avais déjà prévu. Je me suis dit :
« Ok, je vais en France, mais après, il faut que j’aille quelque part. »
Et c’est là que j’ai décidé d’aller à Cuba.
Si tu veux, après l’Asie, j’avais de plus en plus de mal à revenir ici.
J’aime trop l’Asie.
Et je me suis dit que c’était l’occasion de faire un détour.
Donc voilà, j’ai pris un billet pour Cuba.
Inès : D’accord, tu as fait la moitié du chemin. Tu as prévu de faire le tour du monde ?
Thierry : Exactement. Au départ, je me suis dit :
« Je vais faire un tour du monde. »
Mais si je le fais ou pas, ce n’est pas grave.
Il n’y a pas de but, pas d’échec.
Si j’étais resté 30 mois en Asie, je serais resté en Asie.
C’est la liberté du voyage !Inès : C’est ça qui est génial dans ta manière de voyager : tu ne te forces pas.
Si tu étais resté plus longtemps en Asie, tu serais resté.
Tu prends la vie comme elle vient.
Thierry : Si je ne m’étais pas plu en Amérique Centrale, je serais déjà reparti, et peut-être que je serais là, en Nouvelle-Zélande, au Japon ou en Australie.
Mais là, à mon avis, je suis parti pour un bon bout de temps ici.
Il faut que je descende tout le continent. J’ai un contact à Rio…

Pourquoi un Tour du Monde ?
Faire un tour du monde, ce n’est pas juste voyager, c’est souvent une quête personnelle… Alors Thierry, qu’est-ce qui t’a poussé à tout quitter pour partir faire le tour du monde ?
Inès : Est-ce que tu penses que tu vas consacrer toute ta vie, toute la fin de ta vie, à faire le tour du monde ?
Thierry : C’est une question qu’on me pose souvent.
Je n’ai pas de plan, mais il faut être lucide. Aujourd’hui, ça va.
Inès : T’es pas vieux non plus, tu as encore du temps.
Thierry : Oui, j’ai encore du temps, mais tu sais, je n’en sais rien.
Pour faire simple, revenir habiter en France, pour l’instant, c’est hors de question.
Mon idée aujourd’hui, c’est de me dire, le jour où je vais ralentir, je me pose 3 mois à chaque fois, dans des endroits comme Flores, le Vietnam, la Thaïlande… trois mois, trois mois, trois mois, trois mois.
Inès : Pourquoi 3 mois à chaque fois ? C’est une question de visa ?
Thierry : C’est plus pratique pour les visas, mais aussi pour prendre son temps, rencontrer les gens.
Quand tu restes un mois, c’est différent que trois mois.
Par exemple, quand j’ai fait la Transflorestre à Flores, je l’ai faite en une semaine.
Je me suis promis de la refaire, mais cette fois en trois semaines, pour vraiment profiter de chaque instant.

Inès : Et retourner dans des endroits où tu es déjà allé, c’est important pour toi ?
Thierry : C’est indispensable.
C’est même une certitude.
Ne serait-ce que pour retrouver des gens que j’ai croisés et que j’ai appréciés.
Je parle beaucoup avec les locaux.
Et tu sais, les locaux voient un touriste passer, ils te dépannent, tu leur fais des sourires…
Aujourd’hui, ça ne devient pas un but en soi, mais pour moi, retourner voir ces gens, ça fait partie de l’aventure.

Comme tu retournerais voir tes amis dans le fin fond de la France.
Moi, je vais revoir des amis dans le nord de Flores, dans le sud, au Vietnam…
Je me souviens aussi d’une expérience au Vietnam.
Je suis arrivé dans une guesthouse, et la première chose que la femme m’a faite, c’était me serrer dans ses bras.
C’était incroyable.
Et le lendemain, avant mon départ, elle m’a écrit quelque chose qui m’a fait fondre en larmes.
Depuis, on reste en contact, même si c’est une fois tous les trois ou quatre mois, je lui envoie toujours un petit message.
Inès : Tu réussis vraiment bien à rencontrer les gens, d’après ce que je comprends.
Tu as une vraie fibre sociale, car tu rencontres beaucoup de gens dans tes voyages.
Thierry : Oui, mais je ne t’ai pas tout dit.
On pourrait passer neuf heures à parler de toutes les rencontres incroyables que j’ai faites.
En voyage, il se passe toujours plein de choses, c’est très riche.
Inès : Tu penses que les rencontres sont un but en soi, dans tes voyages ?
Thierry : Non, ce n’est pas un but clair, mais c’est tout de même une part essentielle.
Si tu veux, tu reçois ce que tu donnes.
Quand tu arrives quelque part, tu dis bonjour, tu souris, et tu as systématiquement un retour.
Si tu es ouvert, les choses se passent naturellement.
C’est la base.

Déclic de Rentrer en France
À un moment donné, il y a ce fameux déclic, celui qui fait tout basculer… Quel a été le tien pour décider de rentrer en France ?
Aussi, je ne t’ai pas encore raconté mais je suis en train d’écrire un livre.
Un peu comme un mémoire de tous mes souvenirs.
Inès : Ah c’est un super projet !
Et tu penses à le publier, ou c’est juste pour toi ?
Thierry : Je ne sais pas encore. J’aimerais que mes enfants le lisent, ça oui.
Mais c’est compliqué : les deux autres ne me parlent plus, donc ça rend les choses difficiles.
C’est le seul point que je n’ai pas encore réglé dans ma vie, tu vois.
En France, je ne vis pas avec ma retraite. Ouais, déjà.
C’est ça le problème : le coût de la vie dans chaque pays.
Ça fait quinze mois que je suis parti, et pour me loger – tout compris, l’eau, l’électricité, l’assurance, etc. – je dépense seulement 350 euros par mois.
En France, ce serait impossible.
Et puis la France est devenue un pays d’interdictions.
Je n’ai plus envie de ça.
J’ai un peu d’argent de côté, mais je n’ai pas envie de taper dedans juste pour survivre.

Si un jour je veux m’installer quelque part, me poser, m’acheter une moto à 2 000 ou 3 000 euros, je peux le faire.
Ce n’est pas le problème.
Mais pas en France.
Thierry : Finalement, elle a eu deux paroles que ma femme a eu du mal à ne pas me rapporter :
« T’as jamais rien fait pour nous et tu n’as pas été un bon père. »
Thierry : Donc quand tu prends ça dans la tronche, faut que tu espères qu’ils puissent lire le livre pour mieux comprendre.
Je vis avec ça aujourd’hui.
Par contre, je le vis bien dans un sens, c’est que j’ai fait la démarche d’ouvrir la porte.
Maintenant, s’ils ne veulent pas l’ouvrir et mettre le pied dedans…
Je ne l’ai pas fait pour moi, je l’ai fait pour eux. Parce que, j’ai eu une réflexion un jour avec quelqu’un.
Si j’ai fait ça, c’est grâce à une jeune Québécoise que j’ai rencontrée à Pai en Thaïlande.
Inès : Ah, c’est intéressant, qu’est-ce qu’elle t’a dit ?
Thierry : On a eu une grosse discussion, elle fêtait ses 33 ans, donc l’âge de ma fille.
Et très souvent, je pense que tu as pu le constater, il n’y a pas de filtre.
Et t’es capable de dire des choses à des gens que tu n’as jamais dit à personne, même à ta famille, même à tes proches.
C’est une des beautés du voyage.
Même à ton amoureux.
Et qu’à un inconnu, tu vas le dire.
Et c’est ce qui fait du bien.
Cette histoire fera partie d’un petit chapitre du livre d’ailleurs.
Le matin même, ça me titillait déjà d’aller en France pour les voir, et je m’étais dit voilà, je vais leur faire passer un message en leur disant :
« Si vous acceptez de me voir, je viens en France, sinon je ne viens pas. »
Et donc je lui explique ça à la Québécoise.
Et elle me dit :
« Tu sais, moi j’ai des problèmes aussi avec mes parents.
Dans mon cœur de petite fille que je suis, je préférerais que tu viennes taper à ma porte, même si c’est violent.Mais je pense que je serais capable de te répondre alors que répondre à un mail ou à un message, c’est facile, tu le jettes, tu ne le lis pas, tu le bazardes. »
Thierry :
Et là, je lui ai dit :
« Bah écoute, c’est ok, je vais en France. »
Inès :
Donc c’est pour ça que tu es retourné en France.
Thierry : J’ai pris mon temps. Je savais où habitait mon fils, donc je suis allé le voir.
Inès : Et comment ça s’est passé avec lui ?
Thierry : En gros, il m’a dit :
« Ça ne sert à rien, c’est pas la peine de débarquer comme ça sans prévenir. »
Si tu veux, je m’en vais, il m’a dit. Et ma fille n’a pas voulu me voir et voilà ce qu’elle a répondu.
Si j’ai fait ça, ce n’est pas pour moi, c’est pour eux.
Parce qu’aujourd’hui, je vis ma vie dans le monde, je vis des choses exceptionnelles que je n’aurais jamais vécues pour moi.
Et bien sûr, ma vie elle est plus derrière que devant.
Inès : Mais tu leur as ouvert la porte pour qu’ils puissent comprendre avant qu’il ne soit trop tard, en fait.
Thierry : Moi, si tu veux, je ne voudrais pas qu’ils regrettent jusqu’à la fin de leur jour de ne pas m’avoir ouvert la porte et de ne pas m’avoir même dit merde, ils peuvent me traiter de tous les noms, je pense que j’accepterais.
Voilà, et maintenant s’ils ne veulent pas, ils ne veulent pas.
Peut-être que ça arrivera dans un an, dans 10 ans, dans 20 ans, alors 20 ans, 85 ans, j’espère.
La balle est dans leur camp.
Inès : Au moins, tu as la conscience tranquille.
Thierry : Ouais, alors je n’aime pas dire ce mot-là, avoir la conscience tranquille.
C’est marrant, c’est une expression que je n’aime pas.
Non, j’ai fait ce que j’avais à faire.
Parce que la conscience tranquille, ça veut dire pour moi que tu balances la faute sur quelqu’un d’autre.
Inès : Ok, comme ça on en sait un peu plus sur ce qui t’a poussé à partir autour du monde.
Et aussi au niveau de l’écriture, c’est inspirant.
Tu as un espace-temps pour le faire aussi. Peut-être que tu ne l’avais pas avant.
Thierry : Avant, c’est sûr que je n’avais pas le temps. D’abord, avant, je n’avais rien à écrire.
J’étais un peu sur un chemin automatique.
Des fois, on est dans des tunnels aussi. En mode automatique.
J’ai été comme ça pendant 45 ans.

Voyage en moto avec Thierry
Parlons de liberté, de grands espaces et de vrombissements : Thierry, raconte-nous ton aventure sur deux roues…
Thierry : J’ai acheté une moto au Cambodge, et avec, j’ai fait 4 000 km.
J’ai traversé tout le sud du Cambodge et je suis remonté vers le Vietnam.

Inès : Et c’est possible d’acheter une moto au Cambodge et de la transférer au Vietnam ?
Parce que c’était une moto vietnamienne, non ?
J’avais lu sur Internet que c’était un peu compliqué à cause des plaques d’immatriculation, tout ça… Si ce n’est pas une plaque vietnamienne, tu peux pas entrer, non ?
Et tu peux en sortir quand même ?
Thierry : Ouais, je pense que tu peux sortir.
Moi, celle que j’ai achetée, elle venait du Cambodge, et elle est sortie du Vietnam.
Donc oui, c’est possible.
Mais sinon, le reste du temps, je loue des scooters.
En Asie, en dix mois, j’ai fait 15 000 kilomètres en scooter.

Inès : J’adore aussi louer des scooters.
Thierry : C’est pratique, pas cher, t’es indépendant.
Inès : Après, niveau assurance… il n’y en a pas. Faut le savoir.
Thierry : Même là, en Amérique latine, j’en ai pas.
Inès : Et c’est pas trop difficile de conduire en Amérique latine ?
Thierry : Non, c’est super.
En montagne, c’est comme en Asie : faut juste faire gaffe dans les virages parce que les mecs, ils déboulent sans prévenir.
Mais franchement, ici je suis super cool.
Je me suis jamais senti en danger ni en scooter ni en moto.
Et là, je vais frôler les 20 000 kilomètres.
Je note tout, donc je sais exactement.
Je vais les atteindre bientôt 😉

Inès : Qu’est-ce que ça t’apporte, de voyager en moto ?
Thierry : Ah, c’est la liberté.
Pour moi, c’est vraiment ça.
T’as une autonomie totale.
Tu peux aller où tu veux, quand tu veux.
Tu t’arrêtes quand tu veux.
Tu vois un paysage qui te plaît ? Hop, tu t’arrêtes.
Tu peux aller dans des coins où les bus vont jamais.
C’est vraiment ça qui me plaît : le sentiment de… d’être libre, quoi.
Et puis c’est une autre façon de voyager.
T’es plus proche des gens, t’es plus exposé.
Tu ressens tout : les odeurs, la température, la poussière, la pluie.
Des fois c’est dur, mais c’est vivant. Et ça crée des souvenirs différents.
Des galères, oui, mais aussi des moments incroyables que t’aurais jamais vécus autrement.
Inès : C’est clair.
Je trouve aussi que ça t’ancre plus dans le voyage, dans le moment.
T’es pas juste un passager, t’es acteur.
Et tu vis le trajet, pas juste la destination.
Thierry : Exactement.
Moi, je pourrais plus voyager autrement.
Enfin… pas tout le temps, mais franchement, ça change tout.
Et tu crées un lien avec ta bécane. C’est un peu ton compagnon de route.

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➔ Suivre Thierry sur Polarstep (80 000 km parcouru en ce moment)
À travers ses mots, Thierry nous montre que voyager, ce n’est pas fuir, c’est chercher à se reconnecter — aux autres, à soi, et parfois à ce qu’on a laissé derrière.
Merci beaucoup, Thierry et à très bientôt dans un pays du monde. Je suis sûre qu’on se reverra.
En attendant, si l’interview t’a plu, partage la et laisse un petit commentaire, ça nous fera plaisir à tous les 2 ! 😉
Tu peux aussi consulter la partie 1 de l’interview de Thierry Autour du Monde.
Merci 😉
Un homme intéressant qui affronte ses peurs
Partir sur le tard et laisser sa famille qui ne comprend pas,faut oser.
Merci pour ton commentaire 🙂
Oui Thierry ose presque tout et a une super belle mentalité
C’est devenu un ami
Osons !