Julien n’a pas choisi n’importe quelle destination pour construire son projet : c’est bien en Algarve dans le sud du Portugal qu’il se trouve. Un petit endroit paradisiaque au milieu des olives et des arbouses. Julien vit au rythme des saisons et est devenu au fil du temps un agriculteur au cœur de son fief portugais. Je trouve son histoire très inspirante. Sans plus attendre, place à l’interview de Julien.

 

Zoom sur l'article

 

Interview de Julien : une nouvelle vie dans le sud du Portugal

Bonjour Julien. Je te connais depuis longtemps ! On s’est rencontré dans le Vercors lors d’un séjour trinational de mémoire avec pour thème la résistance. On faisait tous les deux du woofing chez Bernadette et Patrick et nous avons depuis gardé contact. Je suis même venu te voir au Portugal, dans le sud, en Algarve, puisque c’est là que tu t’es établi à présent.

Pour commencer, peux-tu nous dire simplement d’où tu viens ?

Salut Inès, tout d’abord merci de l’invitation sur ton blog que je suis depuis le début. Tout comme tes voyages autour du globe juste après notre rencontre en 2017 ! 

Alors je suis né en France au pied du massif de la Chartreuse dans la ville de Voiron. 

J’y ai vécu jusqu’à mes 25 ans. 

 

Et où vis-tu maintenant ?

J’habite depuis 3 ans et demi dans le sud du Portugal dans la région de l’Algarve. 

Je vis au milieu d’une forêt de chênes liège dans les collines. (Un endroit magnifique comme tu as pu le constater quand tu étais ici) 

 

Pourquoi avoir choisi le Portugal ?

J’habite ici de part mes origines portugaises, de mes choix personnels et professionnels et aussi plus globalement d’un projet de vie qui englobe le tout ! 

Albufeira

 

Paysage typique de l’Algarve en bord de mer

 

Campagne portugaise dans le sud

 

Quelle est ta vie professionnelle actuelle et quel projet te passionne le plus en ce moment ?

Je suis installé en tant qu’ agriculteur, je travaille et je gère les terres qui appartiennent à ma famille. J’ai aussi un projet d’agro-tourisme que j’aimerai développer. 

Le projet qui me passionne le plus en ce moment ? Difficile à dire, tout me passionne ! Mais je dirais quand même la nouvelle parcelle de caroubier que j’ai planté l’année dernière, et que je suis attentivement l’évolution ! 

 

Parle-nous un peu de ton projet dans ta ferme (je sais que tu aimes bien quand je dis ça haha). En quoi consiste-t-il et qu’est-ce qui t’a motivé à te lancer dans cette aventure ?

Mon projet de ferme ? Oui j’aime bien quand tu dis ça haha surtout que ça y prend le chemin avec le temps ! 

Avant le projet, il y a eu des gros travaux de nettoyage car la plupart des parcelles étaient à l’abandon. Ce fût un travail assez intense d’autant plus que je suis seul à le faire. Après 3 ans et demi, la plupart des parcelles sont en production. 

Paysage et arbres sur le terrain de Julien au Portugal

Voilà donc ce qu’il en est :

– Je m’occupe donc comme je le disais de caroubiers. Un arbre très intéressant et qui devient de plus en plus connu pour son fruit : la caroube ! 

Une sorte d’haricot noir qui rentre dans de nombreuses compositions alimentaires (farine, glace, « chocolat » à la caroube, « café » ect.) 

C’est un arbre d’autant plus intéressant dans notre climat sec. Il résiste sans problème à la sécheresse et son feuillage vert donne un contraste en été assez prononcé et joli. 

Moi je suis fan ! 

– Ensuite vient la production du liège, qui provient de l’arbre: le chêne liège ! 

On dit de lui que c’est le meilleur isolant naturel au monde ! Un des seuls arbres où l’on peut enlever l’écorce sans le tuer. La « levée du liège » se fait tous les 10 ans sur un arbre. Il se renouvelle ensuite pour une autre « levée » 

Nous avons enlevé du liège en mai dernier avec ma famille. C’est un savoir-faire ancestral qui se fait par des professionnels avec une simple hache ! J’aimerai apprendre dans le futur à le faire. 

 

 

– je m’occupe aussi de parcelles d’oliviers. C’était je dirai le plus grand travail à faire en arrivant ici. La récolte s’effectue à la main et demande de la patience (tu as pu le voir quand tu étais ici) 

Les olives sont amenées au pressoir où il n’y a que des petits producteurs comme moi qui amènent leurs olives. Je m’occupe ensuite de la mise en bouteille et de l’étiquetage. 

La vente s’effectue en France et ici au Portugal. 

J’aimerai dans un futur proche avoir mon propre pressoir ici sur place. 

– pour finir je cueille des arbouses. Un arbuste qui pousse naturellement ici avec le chêne-liège dans les collines. C’est un travail physique qui s’effectue entre octobre et décembre. Après la vente des arbouses, les professionnels qui possèdent un alambic le transforme en une eau de vie (medronho en portugais) au degré assez élevé. Je sais que en Italie et au Maroc il est transformé en confiture et dans les pâtisseries ! Je n’ai jamais pu convaincre les gens d’ici d’en faire autre chose que de l’aguardiente haha 

J’ai ensuite plusieurs jardins pour avoir des légumes de saison et gagner en autonomie chaque année ! 

Je crois que pour tout cela, la motivation se fait tout seul, voir l’évolution chaque jour c’est gratifiant. 

Arbousier

 

Quelles sont les différences de culture les plus marquées que tu as pu expérimenter entre la France et le Portugal ?

Bien que les deux pays soient assez proches géographiquement, il y a je trouve pas mal de différences culturelles. Il faut rappeler que le Portugal était un pays en dictature jusqu’en 1974 ! Le pays était quasiment fermé. C’était aussi l’un des pays les plus pauvres d’Europe il n’y pas si longtemps que ça ! 

La place de la religion extrêmement forte a soumis beaucoup de gens aussi. Il est rare que l’on entende parler du Portugal dans des mouvements sociaux importants par exemple. 

Ensuite je pourrais te citer beaucoup d’autres exemples où je vois des différences, que ce soit architectural, traditions etc… 

Bref chaque pays a une culture qui lui est propre. 

 

Quelle est ta ville préférée au Portugal ?

Ville préférée ? C’est que je vais pas souvent en ville moi haha ! 

Plus sérieusement, j’ai beaucoup aimé Porto que j’ai visité il y a 2 ans. 

Sinon autour de chez moi il y’a des villes avec beaucoup de charme où l’on peut encore voir des traditions locales qui se perpétuent. 

 

Mais à choisir je te dirais mon petit village : Alte 

Un village niché entre les collines où les maisons blanches ne font qu’un. Une source d’eau coule toute l’année et une piscine naturelle fait office de terrain de jeu. Après un jus d’orange naturel au village, il n’y a rien de mieux ! 

Julien et moi même dans le village de Alte

 

As-tu eu l’occasion d’explorer un peu les alentours ?

Et bien pas vraiment… Je connais bien sûr quelques endroits mais j’aimerai explorer un peu plus. Le temps passe extrêmement vite ici et il y’a toujours quelques choses à faire, mais bon il faut savoir prendre l’air des fois, et voir autre chose pour revenir frais ensuite haha.

 

As-tu des plans spécifiques pour l’avenir de ton projet agricole, et comment envisages-tu son développement ?

Je n’ai pas de plans spécifiques en particulier, j’ai bien sûr mes idées et mes envies. 

Parfois il est dur de se projeter car ça ne se passe pas vraiment comme on le voudrait, ou bien ça prend plus de temps que prévu. Je suis satisfait tant que j’avance et que je vois des progrès. L’essentiel est d’avancer c’est tout. 

Je cherche à développer le patrimoine agricole que j’ai sous la main, le faire à ma manière mais tout en respectant les travaux des anciens. C’est très important à mes yeux. 

Vue sur le jardin

 

Je sais que tu es un amateur de lecture. Peux-tu nous recommander un ou deux auteurs qui t’inspire particulièrement et pourquoi ?

Difficile de choisir ! Je pourrai te citer tout d’abord des ouvrages agricoles qui m’inspirent beaucoup. 

Le premier est incontournable, c’est le livre de John Seymour : le grande guide de l’autosuffisance (incroyable qu’un anglais a pu écrire un tel bouquin ! Désolé j’étais obligé de le dire haha) il a été réédité il y a peu, je recommande ! 

J’ai aussi en tête le livre de Masanobu Fukuoka un japonais qui a écrit : La révolution d’un seul brin de paille. C’est autant un livre sur l’agriculture que spirituel, vraiment très intéressant. 

Sinon j’ai Pessoa qui me vient aussi en tête, un des auteurs portugais les plus connus. Son Œuvre : le livre de l’intranquillité est juste magnifique. 

Si tu veux plus d’idées lecture, tu peux consulter : 13 livres à lire sur le voyage et le dépassement de soi.

 

C’est quoi ta philosophie du moment ?

Je n’ai pas de philosophie à proprement dit, juste de rester soi-même, ne pas se mentir.

 S’il y en a une aujourd’hui, je dirais celle de s’ajuster. Parce que malgré les convictions que l’on peut avoir et ses idées il faut savoir s’ajuster pour arriver aux objectifs que l’on se fixe. Voilà tout simplement.

 

Y a-t-il une phrase fétiche qui te guide dans la vie, ou une citation qui résonne particulièrement en toi ?

J’aime bien la citation de John Seymour, pour qui sa définition du bonheur était

 

« se mettre à table affamé et au lit fatigué » 

 

Est-ce que tu as des animaux sur ta propriété ? Comment contribuent-ils à ton quotidien et à ton projet ?

J’ai deux chats et quelques poules pour l’instant. Dans le futur je ne serai pas contre avoir plus d’animaux ! 

Et bien ça donne encore plus de vie et c’est agréable d’en avoir autour de soi. 

 

 

En quoi consiste précisément ton travail au sein de ta ferme ?

Il n’y pas un jour qui se ressemble ici. Je suis tous les jours dehors. Notre climat est assez exceptionnel, nous avons 300 jours de soleil par an ! Les possibilités sont donc donc grandes. 

Dans l’agriculture c’est surtout le travail d’entretien qui compte. 

Tailler, passer la débroussailleuse, l’irrigation, les travaux avec le tracteur etc… 

C’est l’entretien qui fait la récolte ! 

Légumes et production de Julien

 

Quelles compétences penses-tu avoir développées au fil du temps ?

N’ayant pas vraiment de formation agricole spécifiques, mais plutôt pas mal d’expériences sur le terrain que j’ai accumulées au fil du temps, j’ai donc pas mal appris sur le tas. En lisant beaucoup aussi. 

Mais le plus important je pense c’est aussi de savoir observer. L’observation te permet de mieux comprendre ce que tu comptes faire. Et puis à force tu connais mieux ton terrain, ses atouts, ses contraintes etc.

Si tu ajoutes à cela du bon sens dans ce que tu fais, alors tu arrives à des résultats, enfin… c’est comme ça que je fonctionne. 

 

As-tu des projets spécifiques ou des aspirations que tu aimerais concrétiser dans un futur proche ou lointain ?

Les projets sont multiples: améliorer et gagner plus en autonomie alimentaire avec les différents jardins, gagner en autonomie énergétique, planter encore plus d’arbres et de haies, gagner en compétences de manière à devenir encore plus autonome etc…

Développer le projet d’agro-tourisme aussi ! 

 

Parlons de ta yourte. Comment est née l’idée d’avoir une yourte sur ta propriété, et comment l’utilises-tu au quotidien ?

La yourte c’est au début un besoin de logement à un moment de ma vie. Un vieux rêve que de vivre dedans. J’ai vécu presque 1 an en yourte en France. C’est une magnifique yourte mongole traditionnelle, tout est fait à la main ! 

Et puis après y avoir habité, j’ai eu du mal à m’en séparer, c’était ma maison ! 

Delà est venu l’idée de l’amener ici au Portugal. Essayer de joindre le tourisme et le projet agricole, par exemple en vendant des produits fait maison. 

 

 

Pour l’instant elle n’est pas encore prête pour pouvoir la louer. Il y a des travaux d’aménagements à faire à l’extérieur mais aussi à l’intérieur. 

Elle est posée donc elle aussi au milieu de la forêt, et offre un joli contraste avec les collines et le ciel azur quasiment toute l’année ! 

À suivre ! 

 

Comment te définirais-tu en tant que personne ? Quelles valeurs ou caractéristiques te semblent les plus importantes pour toi ?

Je suis quelqu’un de simple, j’aime donner mon avis même si il ne va pas dans le sens qu’on aimerait entendre, je le dis ! 

Je me contente de peu pour être heureux, j’aime bien partager mes idées et débattre de sujets épineux. 

J’aime la sincérité, quand ça sonne juste. 

Je crois aussi que je peux être très sociable tout comme passer 5 jours sans voir personne, cela ne me pose pas de problème. 

Un côté casanier aussi peut être…

Perdre son temps dans ce monde moderne c’est vu comme très négatif, mais perdre son temps c’est des fois aussi le meilleur moyen de le gagner ! 

Raspoupou

 

Comment gères-tu les hauts et les bas qui peuvent survenir dans la vie quotidienne d’une exploitation, et quelle leçon en as-tu tirée ? 

Les hauts et les bas c’est encore quelque chose que je dois mieux gérer, surtout les bas haha 

Des fois je peux me mettre trop de pression et je vois qu’à la fin on trouve toujours une solution ! 

Ça peut être au moment des récoltes, pour te donner un exemple : 

En novembre-décembre, je dois gérer la cueillette des arbouses et des olives, avec tout ce que ça comprend. Nettoyer les parcelles au tracteur avant la saison des pluies, la taille des oliviers etc…

Tout cela dans une période assez courte, heureusement j’ai des fois du monde qui m’aide pour les récoltes ! 

 

 

Mais tu connais peut-être la citation de Lao-Tseu ? 

 

« La nature fait les choses sans se presser, et pourtant tout est accompli. » 

 

Alors il faut relativiser, et aussi savourer les bons moments ! 

Coucher de soleil près de la ferme de Julien

 

Quelle est ta vision de l’écologie dans ton mode de vie ? Y a-t-il des initiatives durables que tu privilégies ?

Ma vision écologique est de prendre exemple sur ce qu’il fait de mieux sous mes yeux : 

La forêt.

L’initiative écologique qui a le plus d’impact est je pense la plantation d’arbres et de haies adapté à son propre climat. 

C’est ce que j’essaye de faire ici en plantant beaucoup d’arbres. Régénérer les terres avec des arbres fruitiers de préférence. En plantant des arbres tu contribues à combattre l’érosion des sols, maintenir la biodiversité, créer de l’ombrage, te donner des fruits frais et de saison etc.

 

Les deux chats de Julien

 

Les arbres rejettent de l’eau grâce à leur phénomène d’évapotranspiration ( j’ai lu récemment qu’un chêne adulte peut rejeter jusqu’à 1000 litres d’eau par jour !) 

On comprend mieux pourquoi les forêts tropicales sont de véritables poumons ! 

Bref, tu l’auras compris, ce n’est pas juste un arbre que l’on plante, c’est une idée bien plus complexe et réfléchie ! 

 

Merci Julien, souvenir ^^

 

Merci beaucoup Julien pour ton partage d’expérience. Je te remercie vraiment pour ton temps, ta sincérité et qui sait… Peut être que ça donnera envie à des lecteurs de sauter le pas de l’expatriation au Portugal ou ailleurs. Si tu veux continuer de t’inspirer, j’ai deux interviews à te conseiller qui pourraient t’intéresser : Alama & Antoine et leur projet Midwives Around The World et Eugénie qui voyage en solo en Asie. Merci d’avoir lu jusqu’au bout. N’hésite pas à laisser un petit commentaire juste en dessous ou à la partager autour de toi si cet interview t’a plu.

 

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Cette publication a un commentaire

  1. trumel

    Super article très émouvant de sincérité, passionnant, Julien est une belle personne, et bravo a Ines pour cet interview très réussi et les belles photos .